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taines paroles l’avait amené. Mais quelles paroles ?

Bertrande l’entraîna plus bas, vers un endroit qu’elle désigna : la Chevrotière, et il pensa :

— Il est à présumer que notre entretien nécessite ce cadre, puisqu’elle m’y conduit.

Ils suivirent la base d’un monticule boisé, dont l’autre versant s’était écroulé en un chaos de rocs. La mousse recouvrait de velours les pierres. Au-dessous, d’énormes pins tendaient un voile de verdure. Étranglée par des écueils, aux deux extrémités, la rivière s’endormait dans l’élargissement de son lit.

Ils s’assirent au bord, sur un banc d’herbe. C’était un coin d’intimité. Les horizons infinis stimulent les rêves vagues. Celui-là précisait l’incertitude des désirs. Et Marc connut celui qui l’avait dirigé.

Un trouble joyeux l’envahit, sans que nul embarras se mêlât à son ivresse. Les mots s’assemblèrent. Et tout de suite il jugea criminel de cacher à Bertrande la découverte qu’il venait de faire.

Il en retarda l’aveu cependant, par volupté. Choisissant une petite feuille qui naviguait sur l’eau, il se promit de parler quand elle disparaîtrait. Elle glissait lentement, gracieuse et frêle. Elle traversa le reflet d’un nuage blanc, puis le reflet d’une branche. Et elle s’arrêta, collée au miroir de l’eau. Le cœur de Marc ne battit plus. Enfin un tourbillon