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rait le baiser de l’âme qui la lui révélait.

Quelle était cette âme ? Il ne la connaissait point. Elle restait impénétrable comme les ténèbres de l’espace. Et néanmoins, il n’éprouvait pas le besoin de la connaître. Il la sentait. Bonne ou mauvaise, conforme ou non aux indices qu’il en possédait, elle était de même race que la sienne. Quelle race ? Il n’aurait pu le dire. Mais c’était la même indubitablement. Que les âmes aient une odeur, leurs deux âmes eussent dégagé la même. Sous le prestige de l’univers, en dehors des maléfices importuns, quelques minutes d’émotion avaient suffi à les unir.

Surtout il la devinait de grand secours pour lui. Par elle il comprenait, il entrevoyait des clartés bienfaisantes, il aspirait un air plus limpide. Sans elle la vie redevenait obscure. Et de cette vie ancienne, il ne voulait plus, il ne voulait plus.

Et il n’y avait dans sa caresse spirituelle aucun amour. Et il n’y avait aucun désir. L’étreinte était chaste. Aussi loin qu’il se souvenait, son âme demeurait isolée, et, de la sorte, inconsciente. Aujourd’hui elle trouvait une compagne et elle s’en remettait à elle comme à une grande sœur, elle l’embrassait avidement, elle la suppliait de ne pas lui retirer la grâce de sa présence.

L’excès de joie et d’espoir l’induisit en douleur. Il tremblait que Bertrande ne l’abandonnât sans une promesse consolatrice. Soupçonnait-elle le drame muet de son initiation ?