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de ce mutisme religieux. Un mot de raillerie lui vint aux lèvres. Mais l’ayant regardée, il se tut.

À l’horizon, le soleil ne lançait plus de rayons. Il n’en paraissait que plus énorme, réduit à lui-même, comme s’il eût absorbé son auréole d’éblouissement. Des nuages grêles surgirent. Un d’eux, mince et long, le coupa, comme le plan d’un anneau. Et l’astre fut ainsi déformé, plus large en haut qu’en bas. Puis il glissa dans l’anneau et toucha la courbe de la mer. Et il s’enfonçait.

L’heure était grave. Les bruits cessèrent. La grande respiration de la nature se suspendit.

Et l’angoisse flottante étreignit Marc. Maintenant nulle parole sacrilège n’aurait pu lui échapper. Il communiait avec les choses, comme elles respectueux et humblement agenouillé devant le mystère de l’infini.

Le soleil disparut. Avant la mort nocturne, un frisson de vie circula, plus convulsif. Le vent secoua les plis de ses voiles. Au ciel des spectacles grandioses s’enchevêtrèrent.

C’étaient des lagunes de feu où dormaient des golfes tranquilles. De molles collines s’étageaient, dominées par des cratères fumants. Il y avait des gouffres de flammes où devaient se tordre des êtres de forme inconnue et des paradis voluptueux où d’autres êtres goûtaient la béatitude ; vision d’enfer ou vision de rêve, on s’en pouvait effrayer ou délecter.

Au-dessus, le ciel était bleu et il se mêlait au ciel de brasier par des nuances tendres, mauves et roses et dorées.

Des sanglots grondèrent en Marc. La fièvre d’extase et d’humilité le faisait trembler.

— Mon Dieu, comme je sens profon-