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Marc la jugea de beauté relative, malgré l’opinion de Louise. Le nez et la bouche désobéissaient aux règles établies. Les dents étaient irrégulières.

Il subit cependant la saine et forte impression qui se dégageait de sa stature un peu haute et de ses épaules larges. De la sueur perlait à son front. Une respiration hâtive agitait sa poitrine. Ses manches relevées jusqu’aux coudes montraient une peau brune.

Le repas fut consacré aux souvenirs d’enfance. Louise et Bertrande se les renvoyaient ainsi qu’une balle. Mêlés aux histoires de cette époque, les autres convives s’y intéressaient beaucoup. Marc était mal à l’aise, comme on l’est en ces moments, où personne n’a l’air de soupçonner que, vous aussi, vous viviez alors et que vous abondez en souvenirs palpitants.

Puis, sans qu’il s’en doutât, la gaieté de Bertrande l’agaçait. Il l’eût désirée tout autre, silhouette d’immobilité et visage de gravité. Et il s’entêtait à substituer sa propre vision à la nouvelle créature qui remuait devant lui, expansive et rieuse.

Il condamnait également son attitude. Le désaccord le froissait, entre l’orgueil de son buste et la vivacité de ses gestes, entre ses vingt-cinq ans et l’enfantillage de ses exclamations. Ils ne se parlèrent point.

L’après-midi, Louise et Bertrande s’en allèrent en barque, les autres en voiture jusqu’à Pornic.

Les Altier habitaient à l’entrée du bourg une petite maison enguirlandée de glycine et de vigne. Devant s’étendait un coin de jardin, avec des raccourcis de plates-bandes, des arbres fruitiers et des chemins exigus qui ser-