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mentait d’égratigner. Ses doigts se raidissaient. Il s’effraya de ce bouillonnement d’instincts sauvages qu’il renonçait presque à maîtriser.

Élisabeth gémit :

— Mon Dieu, quelle chaleur, c’est stupide du feu en cette saison.

Hardiment elle décrocha son corsage. Plus que l’indécence, le naturel de ce geste et l’inattention de Frédéric l’exaspérèrent. Comme il fallait que leur intrigue datât de loin pour que la femme exposât sans honte sa poitrine et que l’homme ne s’en troublât point ! Dans le silence, il clama :

— Misérables !

Et tout de suite il bondit sur Frédéric, le saisit au cou et le jeta dehors. Il revint près d’Élisabeth avec l’intention de la battre. Mais une partie de sa colère s’était dissipée. Il s’assit. Elle risqua :

— C’est de la folie, qu’est-ce que tu as ?

— Tu le sais bien dit Marc.

Elle haussa les épaules. Ils n’en parlèrent plus.

Remettant sa décision au lendemain, il se fit dresser un lit dans la salle à manger, et toute la soirée, arpenta la pièce ainsi qu’un prisonnier en quête d’une issue. Des lueurs de rage brillaient. Sa jalousie s’exprimait par des injures grossières et une pantomime provocante. Il l’attisait du reste comme à plaisir.

— Évidemment il la possédait partout, sur ce fauteuil, sur ce divan… la même chair que moi… la même ivresse…

Il se coucha et dormit tranquillement.

Le matin, il examina diverses solutions dont aucune ne le satisfit, dès qu’Élisabeth parut à table, l’air indifférent dans son peignoir mal ajusté. Il ne savait plus où poser son regard qu’atti-