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déterminés par un détail d’élégance, de toilette ou de bonhomie, et il les assiégeait savamment. Les gens trouvaient des airs étranges à ce monsieur courtois qui leur envoyait des sourires aimables et leur adressait la parole à l’improviste sur un sujet quelconque.

Marc aussi jugeait cela fort bizarre. Ce n’était point conforme à ses goûts. Il eût été désolé que de tels individus répondissent à ses avances. Cependant il n’épargnait aucune politesse pour s’en faire agréer et les rendre solidaires de ses plaisirs.

— Il est bien fâcheux, se disait-il simplement, que l’observation du programme m’oblige à sacrifier mes instincts.

Deux semaines de ce régime n’amenèrent aucun résultat. Marc ne s’évadait pas du cloître du silence où il s’engourdissait.

— Si je m’ennuie, le remords naîtra.

Toute vie, du reste, hormis de dissipation, favoriserait selon lui la victoire de l’adversaire.

Il fut pris d’une peur insurmontable, comme à l’approche d’un danger dont la menace est perpétuellement imminente. Il se comparait à un petit animal, tout nu au milieu du désert. Sans se presser le fauve marche vers lui. Et le malheureux, affolé, ne trouve ni refuge ni arme pour le protéger au moment du combat.

Cette vision se répétant, Marc lui découvrit toutes les apparences d’une hallucination, ce qui le frappa au point que certains troubles se produisirent réellement — du moins le crut-il. Ainsi le remords ne fut plus un sentiment dont son esprit redoutait l’invasion, mais une sorte d’être vivant, sans nom