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Ce dédain qui prouvait déjà l’anoblissement de ses besoins physiques, lui inspira confiance en la supériorité de son âme nouvelle sur l’ancien assemblage d’appétits et de rancunes dont se composait sa personnalité.


Trois mois plus tard, un matin, Marc Hélienne fut réveillé par son domestique.

Ayant avalé sa tasse de thé et mangé son croissant, il se dit :

— Aujourd’hui j’ai vingt-huit ans, et c’est la première fois que je suis chez moi parmi des choses qui m’appartiennent.

Il les examina. Elles lui plurent. Il avait choisi, peu sûr encore de son goût, des meubles simples et des étoffes de cretonne, aux couleurs très claires. Illuminée de soleil, la pièce contenait beaucoup de joie.

Du dehors aussi venaient de la gaîté et de l’animation. L’appartement, de plain-pied avec la rue, recueillait le bruit des passants, le fracas des voitures, le cri des tramways, toutes les manifestations de la vie extérieure.

À demi vêtu, il se dirigea vers la fenêtre. De l’autre côté du boulevard, le parc Monceau s’épanouissait en un dernier éclat. L’or des feuilles vibrait. Les arbres montaient comme de grandes flammes.

— Ils s’éteindront. Ils seront noirs, avec des formes navrantes de squelettes, et puis parfois blancs, habillés de neige, et puis verts enfin, et jeunes et renouvelés. Les phases de leur transformation me conduiront au prochain été, époque de mon affranchissement total.