Page:Leblanc - Dorothée, danseuse de corde, paru dans Le Journal, 1923.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— D’où viennent-ils ? acheva Dorothée… c’est cela que vous voulez savoir, n’est-ce pas ?

— En effet.

Elle se pencha à l’oreille de l’Anglais et chuchota :

— Toutes mes économies… gagnées à la sueur de mon front.

— Je vous en prie…

— L’explication ne vous satisfait pas ? Alors, je serai franche.

Elle se pencha vers l’autre oreille, et plus bas encore :

— Je les ai volés.

— Oh ! cousine, ne plaisantez pas.

— Mais alors, que diable, George Errington, si je ne les ai pas volés, que supposez-vous donc ?

Il articula lentement :

— Mes amis et moi, nous nous demandons si vous ne les avez pas trouvés.

— Où ?

— Dans les ruines de Périac !

Elle battit des mains.

— Bravo ! Ils ont deviné ! Eh bien oui, George Errington, de Londres, je les ai trouvés, au pied d’un arbre, sous un tas de feuilles mortes et de cailloux. C’est là que le marquis de Beaugreval, notre digne ancêtre, avait caché ses billets de banque et son six pour cent.

Les deux autres cousins s’étaient avancés. Marco Dario, qui semblait fort agité, lui dit gravement :

— Soyez sérieuse, cousine Dorothée, nous vous en supplions, et ne vous moquez pas de nous. Doit-on considérer les diamants comme perdus ou comme retrouvés ? C’est une question qui a une grande importance pour certains d’entre nous… pour moi, je l’avoue. J’y avais renoncé, à ces diamants. Mais voilà tout à coup que vous nous laissez croire à un miracle imprévu. En est-il ainsi ?

Elle prononça :

— Pourquoi cette supposition ?

— D’abord, à cause de cet argent inattendu que l’on pourrait attribuer à la vente de l’un des diamants… Et puis… et puis… il faut le dire, parce qu’il nous paraît, somme toute, impossible que vous ayez abandonné la conquête de ce trésor. Comment, vous, Dorothée, après des mois de combats et de victoires, au moment d’atteindre le but, vous décideriez soudain de vous croiser les bras ! Pas un effort ! Pas une recherche ! Non, non, de votre part, ce n’est pas admissible.

Elle les observait tour à tour, malicieusement.

— En sorte que, selon vous, mes chers cousins, j’aurais accompli ce double miracle de trouver les diamants, sans les chercher ?

— Vous êtes capable de tout, dit Webster gaiement.

La comtesse se joignit à eux.

— De tout, oui, Dorothée, de tout, et je vois à votre air que, là encore, vous avez réussi.

Elle ne dit pas non. Elle souriait doucement. Ils étaient tous auprès d’elle, curieux ou anxieux.

La comtesse murmura :

— Vous avez réussi, n’est-ce pas ?

— Oui, fit Dorothée.

Elle avait réussi ! Le problème insoluble, tant de fois tourné et retourné en tous sens, depuis des siècles, elle l’avait résolu, elle.

— Mais quand ? à quel moment ? s’écria George Errington, vous ne nous avez pas quittés !

— Oh ! dit-elle, cela remonte bien plus haut. Cela remonte à mon passage au château de Roborey.

— Hein ! que dites-vous ? s’exclama le comte Octave, stupéfait.

— Dès les premières minutes, j’ai su tout au moins la nature de la cachette qui renfermait le trésor.

— Mais comment ?

— Par la devise.

— Par la devise ?

— C’est tellement clair ! Si clair que je n’ai jamais compris l’aveuglement de ceux qui ont cherché, et que j’accusais de naïveté celui qui, dissimulant un trésor, donnait un pareil renseignement. Mais il avait raison, le marquis de Beaugreval ! Il pouvait l’inscrire de tous côtés, sur l’horloge de son château, sur la cire de ses cachets, puisque sa devise est lettre morte pour ses descendants !

La comtesse objecta :

— Si vous saviez, pourquoi n’avoir pas agi aussitôt ?

— Je connaissais la nature de la cachette, mais non son emplacement. Cette indication, ce fut la médaille d’or qui me la fournit. Trois heures après mon arrivée aux ruines, j’étais fixée.