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roméo et juliette

rouges. J’étais une célébrité locale dont ma patrie s’enorgueillissait ; et la Gazette de Lillebonne publia un long article sur ma vie et sur mes triomphes.

Le soir, avant le lever du rideau, je regardai par une fente de la toile et je distinguai des visages connus, des amis, de nombreuses personnes dont je me souvenais, Au premier rang des loges, les jeunes filles, en robe claire, légèrement entr’ouverte, les filles des grands industriels de la contrée, répandaient comme un parfum d’innocence.

La pièce commença. Or, dans la coulisse, un enfant me remit un billet. Je l’ouvris et je lus : « Si vous jouez bien, cette nuit je suis à vous. — Lucie. »

Alors j’ai été fou. Certes, cette soirée ne fut qu’un long accès de démence. J’ai été jugé, condamné, pourtant j’étais inconscient, par suite irresponsable. Il y a de ces actions que l’on ne commet que sous l’impulsion de la folie, et j’ai été fou, incontestablement fou.

Dès la scène du jardin, j’ai senti en moi des choses étranges. Juliette, drapée de blanc, rêvait,