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roméo et juliette

thousiasme. Fière de mes succès qu’elle s’attribuait, elle finit par me traiter doucement, en ami, et ne se plaignait pas de la façon un peu sauvage dont je l’étreignais quand mon rôle me le permettait.

Mais je n’obtenais rien, pas une caresse, pas un baiser. Durant un an, la journée chez elle, le soir dans sa loge, je l’ai respirée, entendue, contemplée, sentie, je l’ai vue s’habiller, se coucher ; j’ai employé la force, la jalousie, la prière ; je lui ai offert mon nom : elle est restée implacable, par une sorte d’entêtement, de cruauté instinctive. Se livrant à qui la convoitait, elle se refusait à moi, sans motif, sans le prétexte d’une aversion, sans même chercher d’excuse. « Je ne veux pas, disait-elle, je ne veux pas. »

Cependant on parlait de nous en province, et un jour nous reçûmes une invitation de la municipalité de Lillebonne pour fêter un anniversaire quelconque, l’entrée d’un roi, si je ne me trompe. Le directeur résolut de donner Roméo et Juliette dont une nouvelle adaptation venait de paraître.

D’innombrables affiches couvraient les murs de la ville. À la place d’honneur, le nom du fameux Mourval s’étalait en grosses lettres