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un amour

passé, la naissance de l’enfant, son baptême, ses premiers pas, son sevrage, son chagrin à propos d’un changement de bonne, et elle le voyait avec la physionomie spéciale qui le caractérisait à ces différents âges. Elle distingua aussi ses traits au moment de la séparation, tous ces traits si profondément incrustés dans son esprit, et dont il lui fallait se contenter lorsqu’elle songeait à son fils actuel, si transformé qu’il fût.

Elle essaya bien de s’imaginer les changements qu’il avait pu subir, elle voulut le reconstituer tel qu’il était présentement, mais elle n’y parvint pas.

Puis elle se demanda ce qu’il faisait, dans quel pays il grandissait, quelles personnes le surveillaient, qui l’aimait, qui l’admirait, rien, rien, elle ne savait rien de lui !

Elle se mit à pleurer. Donc, il y avait, quelque part sur la terre, un être composé de son sang, de sa chair, de ses nerfs, de sa vie à elle, un être qui sans elle n’aurait pu être, et elle ne connaissait pas sa figure, ni sa marche, ni ses gestes, ni la chambre qu’il habitait, ni les choses qu’il regardait, rien enfin.