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les époux dumouchel

Tous ils semblèrent stupéfaits de se trouver là, comme si chaque dimanche ne les eût pas réunis au même endroit. Et ils s’exclamaient : « Tiens, par quel hasard… c’est vraiment extraordinaire… Quel bon vent vous amène ?… »

On ne fit qu’une bande. Le concert terminé, on gagna les quais, promenade favorite des Rouennais, le dimanche.

Sur le trottoir des troupeaux de bourgeois grouillaient. Des couples poussaient devant eux des lots de collégiens maigres et de demoiselles à marier, de ces filles laides que leurs parents exposent depuis des années, que l’on croise à tout coin de rue, que l’on coudoie dans tous les lieux publics.

Les Dumouchel et leurs compagnons prirent la file et arpentèrent les quais de la rue Jeanne-d’Arc au Pont-de-Pierre, et du Pont-de-Pierre à la rue Jeanne-d’Arc.

Un peu lasse, Berthe se suspendait au bras de son mari :

— Appuye-toi bien, ma chérie, disait-il, ne crains pas de me fatiguer.

Et ferme, droit, il marchait crânement, fier de sa paternité comme si elle fût déjà visible.