Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Yégor la regarda. Il sentit qu’il n’y avait aucun piège dans cette demande et que le motif n’en pouvait être que loyal.

— Il ne m’a pas donné son adresse, dit-il, sans poser de questions à Nelly-Rose, mais je sais qu’il est auprès de sa mère en Normandie.

— Et comment se nomme sa mère ? En quelle ville habite-t-elle ?

— Il ne me l’a jamais dit. Cependant, lors de ses précédents séjours, et encore cette fois-ci, il a reçu, à plusieurs reprises, des lettres, d’une écriture un peu tremblée, comme l’écriture d’une femme âgée, et au dos de l’enveloppe, il y avait : — je n’ai aucune raison de le cacher — Envoi d’Énouville, Seine-Inférieure. C’est cela, certainement.

— Oui, il n’y a pas de doute. Je vous remercie de tout mon cœur, dit Nelly-Rose en lui tendant la main.

Nelly-Rose n’écrivit pas à Gérard.

Une semaine passa encore. Puis une autre. Elle continuait à rester chez elle, toujours nonchalante et rêveuse.

Un après-midi, la mère de Nelly-Rose dut s’absenter de Paris, pour un très court voyage en province, où la réclamaient ses intérêts.

Le matin qui suivit, subitement, et sans que son acte fût le résultat d’une longue délibération, Nelly-Rose alla prendre au garage son auto, qu’elle avait rachetée à Valnais.

Elle sortit avant huit heures. À onze heures et quart, elle dépassait Yvetot. Le village d’Énouville se trouvait à quelques kilomètres à l’ouest de cette ville. À l’entrée du village, elle laissa son auto devant une auberge.

Elle passa devant l’église au moment où en sortait le curé, grand vieillard à la figure rubiconde et à triple menton, au regard plein de bonhomie et de finesse.

— Est-ce que je puis vous demander, monsieur le curé, si vous avez, parmi vos paroissiens, un jeune homme du nom de Gérard ?

Le prête saisit avidement cette occasion de bavarder et répondit avec effusion.

— Gérard d’Énouville ?