Page:Leblanc - De minuit à sept heures, paru dans Le Journal, 1931.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Qui dit cela ? demanda Gérard.

— Le garçon d’étage. Il est formel.

Gérard se récria :

— Mais il peut se tromper, cet homme !

— Non, dit Nantas, nettement. Mais il peut mentir.

— Hein !

— Dame ! Quand un mossieu accuse quelqu’un d’avoir fait quelque chose que ce quelqu’un n’a pas faite, n’a-t-on pas le droit de se demander pourquoi ledit mossieu accuse ?

Gérard murmura :

— C’est vrai, après tout… Car enfin, étant seul, à proximité de la porte, il n’avait qu’à franchir quelques mètres d’un couloir désert… Ah ! quel dommage qu’on ne l’ait pas surveillé depuis !

Du coup, Nantas eut un petit rire sec.

— Ah ! ça, voyons, mon petit ! Vous me croyez jeune ! Tout de même, hein ?… Depuis ce matin, dix heures, qu’il a quitté d’ici, je le fais filer, moi, le garçon d’étage, le nommé Manuel !…

Le juge d’instruction et Gérard semblèrent stupéfaits.

— Ben oui, quoi ? continua Nantas. Il y avait toutes les preuves contre vous, l’homme de la rixe, et je vous croyais, dur comme fer, coupable. Mais, pour votre gouverne, en police, j’ai un principe… Jamais négliger aucune piste, même secondaire. Subséquemment, tout en fonçant sur vous, je faisais prendre en filature le nommé Manuel. Conclusion…

— Conclusion ? interrogea M. Lissenay, qui avait suivi avec amusement l’argumentation du policier et les phases de son revirement.

— Conclusion… C’est la même que la vôtre, monsieur le juge. On a fait fausse route, et il n’y a plus une minute à perdre. Aussi je vous demande de bien vouloir m’adjoindre un collaborateur.

— Qui donc ?

— Un gars solide, d’aplomb sur ses jambes, qu’a un cran de tous les diables et de la jugeote.

— Mais, enfin, qui ?

— Le sieur Gérard, ici présent. Ni le parquet ni la Sûreté ne songent à le retenir, n’est-ce pas ? Dans ce cas-là, donnez-le moi. À nous deux, ça va ronfler, n’est-ce pas, camarade ?


Dès cet instant, Gérard ne quitta plus Nantas. Infatigable lui-même, il s’étonnait de l’activité du policier. Nantas ne semblait pas soumis aux besoins physiques des autres hommes. Il mangeait à peine. Il ne dormait pas. Avec lui, Gérard passa, sans en être gêné d’ailleurs, deux journées de jeûne presque absolu et d’insomnie totale. Le but à atteindre, pour Nantas, c’était la découverte de la vérité dans l’affaire du Nouveau-Palace, et à ce but Nantas sacrifiait tout… même les apéritifs.

Ils parlaient peu. Les découvertes qu’ils firent ensemble, ils n’éprouvaient pas le besoin de se les com-