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— Je refuse, en effet, dit fermement Gérard.

— Parlerez-vous en présence de votre avocat ?

— Pas davantage, monsieur le juge d’instruction.

— Bien… Vous mesurez les conséquences de vos actes ?

— Oui.

— Il ne me reste donc qu’à signer contre vous un mandat d’arrêt ?

Gérard resta impassible.

Après un instant de silence, le juge, que cette obstination irritait, se pencha sur sa table et signa.

À ce moment, on frappa. L’agent qui entra remit au juge un papier plié.

M. Lissenay le déplia, y jeta les yeux et eut un mouvement de surprise.

— Cette personne est là et voudrait parler à M. le juge, dit l’agent.

— Devons-nous nous retirer ? demanda Nantas à M. Lissenay.

— Non, restez, vous, Nantas.

— Victor doit emmener cet homme ? dit Nantas en désignant Gérard.

Gérard était inquiet. Que se passait-il ? Quelle était cette personne ?

Il avait presque peur.

Le juge répondit, tout en regardant Gérard :

— Non, qu’il reste.

Et il dit à l’agent :

— Faites entrer.

L’agent et Victor sortirent. Puis la porte fut rouverte. Gérard sursauta, avec un grand cri, et les bras tendus, comme pour barrer le passage à la personne qui entrait.

C’était Nelly-Rose…



III

Confrontation


Après être retournée chez elle, à sept heures du matin, après avoir entendu l’effroyable révélation faite par Mme Destol, et conduit, hors de son boudoir, celle-ci et Valnais, Nelly-Rose avait longtemps sangloté sur son divan. Puis, brisée, physiquement et moralement, elle s’était endormie. Sommeil agité, précaire, coupé de cauchemars où elle s’éveillait en criant.

À diverses reprises, elle avait entendu frapper à sa porte. Elle n’avait pas répondu. Elle ne voulait voir personne. Elle ne voulait pas déjeuner. Elle voulait être seule… seule avec ses pensées qui se pressaient dans son cerveau tumultueux.

Peu à peu, elle s’apaisa, essaya de réfléchir, de discipliner ses pensées, d’envisager avec lucidité la situation. Tous les événements de la nuit lui apparaissaient avec une netteté parfaite. Il n’y avait aucune lacune dans ses souvenirs. Elle se rappelait tout.

Au commencement de l’après-midi, elle se leva de son divan. Elle ne pouvait plus rester là, dans ce