Page:Leblanc - Contes Heroïques, parus dans Le Journal, 1915-1916.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À vingt pas d’elle, Ludovic continuait son œuvre infâme. Elle se rappelait que, sous des prétextes confus, il avait organisé contre un mur, avec des planches, une sorte de petit baraquement, percé d’un trou du côté du Nord. Cela lui permettait maintenant, sans aucun doute, de faire des signaux qui ne pouvaient être vus que de ce côté, et seulement d’une certaine distance.

Elle tressaillit d’horreur. Chaque bruit de déclic, chaque lueur la secouaient comme l’atteinte d’un coup. C’était une syllabe de plus, un mot de plus qui parvenaient à l’ennemi et complétaient les renseignements déjà donnés, et Gilberte savait combien, par sa situation, Ludovic pouvait en recueillir, de ces renseignements !

— Ah ! le misérable ! le misérable ! grinça-t-elle.

De nouveau l’ombre de la petite porte qui s’ouvrait lui apparut. Jean chuchota :

— J’ai le fusil, petite mère… Tu le veux ?

— Non… Je suis attachée… Mais toi, tu sais tirer, n’est-ce pas ?

— Oui, petite mère, à la carabine, quand il y a la foire.

— C’est la même chose… Il n’est pas trop lourd ?…

— Oh ! non, pense donc, j’ai onze ans. Seulement, c’est sur l’homme qu’il faut que je tire ?

— Oui. Tu le vois ?

L’enfant s’écarta d’un pas et avança la tête.

— Je le vois, petite mère… ou plutôt je vois une ombre. Il est à genoux, sous la niche que papa a construite… et il allume… des choses…