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nous consoler l’un l’autre… nous nous connaissons trop. Tandis qu’elle, tout de suite, elle m’a dit ce qu’il fallait me dire, et j’ai senti qu’elle le pensait. Elle a la foi et la certitude de son âge. Dès que j’arrive c’est un autre monde… Je vois les choses autrement… à travers son amour à elle. Et c’est un amour si profond ! Vois-tu, Georges, en temps habituel, une mère est jalouse de cet amour-là. Comme c’est absurde. Si je te disais que je ne connais vraiment Bernard que depuis que je la connais, elle. À mes yeux, maintenant, ce n’est plus un enfant, mais un homme, avec des qualités nouvelles, et des naïvetés, et des délicatesses que je n’avais jamais discernées. Mais physiquement même… Tiens, regarde ce portrait de lui qu’il a fait faire pour elle, et toutes ces petites photographies prises au hasard de leurs promenades. Le voyais-tu ainsi ton fils, avec cette expression-là ? Alors, Geneviève et moi, nous parlons de cet autre Bernard, qui est le sien et qu’elle aime. Et, je ne sais pas pourquoi, je n’ai plus peur de rien, auprès d’elle. Ce Bernard-là, aimé si joliment, ne peut plus mourir, à mes yeux. L’amour de Geneviève le protège, Est-ce que tu me comprends, Georges ?

Elle entoura le cou de son mari et lui mit la main sur les lèvres.