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UN MALENTENDU



Tous les mois, Alexandre Montier distrayait de ses appointements une pièce de cent sous et se payait une femme. Si pauvre que l’on soit, il faut bien obéir aux exigences de la nature.

Il enduisait donc de brillantine ses cheveux et sa barbe, lavait ses mains, curait ses ongles, brossait ses habits et se dirigeait vers le quartier du Temple. Offrant peu, il n’était point difficile et suivait la première qui consentait à une aussi modique rétribution.

Cette fois, ce fut une petite maigre, d’aspect vieillot et de mise indigente. Ils marchèrent. Alexandre remarqua son pas traînant et le bruit de semelles décousues que produisaient ses bottines sur le pavé. Il eut l’amère intuition de n’avoir pas fait une excellente aubaine.

Elle le conduisit dans une mansarde misérable. Les chaises boitaient. Les murs suaient l’humidité. La glace était craquelée comme une antique porcelaine. Alexandre frissonna. Un regret lui vint de son argent mal dépensé. Il dit :

— Ce n’est pas luxueux, chez toi.

Elle ne se froissa pas. Elle répondit simplement : — Tu trouves ?

Ils se déshabillèrent. Leur étreinte fut brève. Il commettait l’acte d’amour à date si fixe que son désir naissait sans l’aide des caresses préparatoires. Elle, d’ailleurs, le laissait agir. Passivement elle lui appartint. Il y trouva peu d’agrément et ne put cacher sa mauvaise