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sire tant savoir ! Elle parlera, il le faut, dussé-je… oui… dussé-je l’épouser !


… Pourquoi pas ? C’est l’unique moyen… dans le tête-à-tête ininterrompu, dans l’affolement des étreintes, dans l’inconscience du sommeil, l’aveu infailliblement coulera de ses lèvres.


… Et puis je l’aime ! Ce n’est point seulement un âpre désir de la connaître que ses yeux m’ont suggéré par leur tristesse, c’est aussi de l’amour, un amour profond et sincère, qu’ils m’ont imposé par leur charme. J’adore sa bouche qui me révélera le passé mystérieux. Mais j’adore surtout sa bouche qui me donnera des baisers, sa bouche dont l’haleine rafraîchira mon visage.


… J’ai fait la demande. Marthe, consultée par sa mère, m’a répondu simplement :

— Je vous aime.


… Encore quelques jours… Oh ! ma douce fiancée, quelle que soit ta souffrance, nous serons deux à souffrir. Le mobile qui m’a porté vers toi n’est pas noble, certes ; mais celui qui m’attache à toi le purifie. Avec autant d’acharnement qu’autrefois, je veux savoir, mais ce n’est plus aujourd’hui pour assouvir une curiosité malsaine, c’est pour te consoler. Je guérirai la plaie de ton âme, je donnerai le sourire à tes yeux, l’apaisement à tes rêves, le bonheur à ta vie. Dis-moi ton secret, chère créature, je réclame ma part du fardeau…

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Ce n’est qu’un mois après la cérémonie que Marthe, vaincue par les supplications de son mari, consentit à parler. La voix frémissante, la tête cachée entre ses mains, elle prononça :

— Il y a sept ans… nous habitions la campagne… je jouais auprès d’un bois… seule… un homme en est sorti… il m’a demandé l’aumône… et pendant que je cherchais dans ma poche… il s’est jeté sur moi… et… et il m’a violée…