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nade, une jolie chienne à longs poils noirs m’a suivi obstinément. Je l’ai chassée, elle est revenue, et comme je rentrais, elle s’est mise à gémir. Alors, me souvenant de la pitié qu’inspiraient à Fernande les bêtes abandonnées, je l’ai recueillie.


… Je ne sais ce qui m’attache à Miss, ma nouvelle compagne. Elle ne me quitte pas dans mes courses à travers champs, et parfois, devant elle, je parle haut de l’absente, comme si elle pouvait com prendre mes regrets et mon désespoir. Elle marche silencieuse, l’air attentif. Cet être qui respire à mes côtés, qui remue, qui fait du bruit, m’est une consolation. Il y a vraiment entre nous une entente peu commune, une intimité d’essence particulière. Je ne suis plus tout seul.


… Quelle chose bizarre, à la fois effrayante et douce ! J’en tremble encore. C’est de la joie et de la terreur. Suis-je dupe d’une illusion ? Cependant j’ai bien vu ! j’ai bien vu ! ses yeux…

D’habitude, Miss couche sur le palier, à la porte de ma chambre. Elle, pas plus que personne, n’a le droit de violer le sanctuaire. Elle m’attend donc là, la nuit et les heures de jour où je me retire avec Fernande.

Or, tantôt, la porte s’est ouverte — je veux bien admettre que ce soit un oubli de ma part, et pourtant je suis sûr, ab-