Page:Leblanc - Ceux qui souffrent, recueil de nouvelles reconstitué par les journaux de 1892 à 1894.pdf/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sec, avait un grand corps efflanqué, aux jambes et aux bras noueux, la figure coupante et sans lèvres, la peau du front crevée d’os. Joseph, que tous appelaient Joséphine, était gros, gras, glabre, toujours vêtu d’une redingote serrée à la taille et ballante sur les jambes comme une jupe.

Auguste, très actif, se levait à sept heures, se rendait au bourg où le sollicitaient un commerce de fruits et des fonctions d’adjoint, et présidait une ligue fondée par lui, la « Ligue pour le développement des idées libre-penseuses du canton de Duclair ». C’était un homme sombre. On le disait atteint d’une maladie noire.

Son frère Joseph, ou plutôt Joséphine, d’un naturel plus joyeux, se distinguait par ses aptitudes de ménagère. En bonne épouse, elle gardait la maison. Dès le matin, elle s’affublait d’un tablier, trottinait à travers les chambres, un trousseau de clefs à la main, et jusqu’au soir donnait l’exemple à la servante, frottait, cirait, astiquait, époussetait. Il fallait que la batterie de cuisine étincelât, et que les parquets fussent irréprochables. Auguste « qui avait la répartie » — tout Duclair le lui accordait — appelait son frère : « Maman Pot-au-feu ». De ce surnom, madame Ju-