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LA VISITE



Le major dit au fourrier qui conduisait à la visite les réservistes de la troisième batterie :

— Faites déshabiller vos hommes, pendant que j’examine ceux de la deuxième.

Le fourrier commanda :

— Déshabillez-vous.

Les réservistes obéirent. Charles Ramel défit le dolman et le pantalon dont on l’avait affublé la veille, les déposa sur un lit avec les vêtements de ses voisins, mais garda ses flanelles et son caleçon, car il grelottait, étant chétif et de santé médiocre.

On se trouvait dans une salle de l’infirmerie, vaste et froide. Les fenêtres grillées donnaient peu de lumière. D’ailleurs, il pleuvait dehors, une pluie glaciale d’automne, que chassaient des bourrasques de vent.

Quelques lits couverts d’effets s’alignaient contre les murs. Au centre, devant une table où un maréchal des logis inscrivait les décisions du major, des hommes nus formaient un demi-cercle. Le médecin les appelait un à un, les examinait de face et de dos, jugeait leurs réclamations et les renvoyait. Une odeur forte viciait l’atmosphère.

Des corps défilèrent, étranges et disparates. De courtes jambes frêles portaient de gros bustes lourds. Des bras