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pour leur paroisse, pour cette église qu’ils considèrent comme une chose à eux, comme un être vivant et cher, ce respect et cette tendresse pieuse qui jadis le pénétraient, tout cela s’en allait. Quel sacrilège ! L’idole était souillée, indigne par conséquent de sa vénération. Souillé l’autel où chaque jour il célébrait le divin sacrifice ! Souillée la haute nef où sa voix vibrante d’adoration lançait le Pater Noster des chrétiens ! Souillés tous, la Vierge, saint Joseph, les saints des chapelles, tout, tout lui semblait souillé, jusqu’à Dieu lui-même !

Dès lors l’existence lui fut intolérable.

C’était un homme maigre et long, à gestes automatiques, pareil à un mannequin qu’on aurait affublé d’une soutane. Son âme, comme son corps, était étroite et raide. Ses yeux seuls vivaient, ses yeux d’inspiré, de soldat qui brûle de mourir pour la bonne cause.

Mais, loin de le seconder, cette ardeur plutôt le desservait. Sa vertu trop rigoureuse lui interdisait l’accès des postes où ses confrères, plus souples, parvenaient. Dans ses cures successives, son zèle de néophyte, son besoin de commander et d’imposer son Dieu, lui avaient aliéné les paysans. Et il errait de village en village, toujours en désaccord avec le maire ou avec les fidèles, en lutte contre la fabrique, en suspicion à l’archevêché.