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— Comment vas-tu, petit chien ?

Partout se trouvaient dessinés sur les murs, ou modelés en mie de pain et suspendus au plafond à l’aide d’un fil et de papier mâché, des roquets hargneux, des caniches d’aveugle, des lévriers étiques, des bulls menaçants. Une fois il se fâcha et distribua des coups de poing. Tous ses camarades s’enfuirent en hurlant :

— Au secours… un chien enragé.

L’ironie de ses maîtres le blessait encore davantage. L’un ne manquait jamais de l’interrompre quand il répétait ses leçons :

— Assez-vous, Chien, vous ne récitez pas, vous aboyez.

Tel autre le renvoyait du tableau noir :

— À la niche, bougre de chien.

« Ce sont farces d’école, se dit Abraham, en sortant du collège. La vie est plus sérieuse et les hommes moins puérils. Mon nom est avantageusement connu à Caudebec. On me laissera la paix. »

De cruelles expériences le détrompèrent. Le petit bourgeois et le paysan ne se lassent jamais d’une plaisanterie. La même circonstance amène infailliblement le même mot, et ce mot le même éclat de rire satisfait ou le même clignement d’œil malin.

À table, s’il risquait :

— J’ai une faim, aujourd’hui !

On ripostait :