Page:Leblanc - Ceux qui souffrent, recueil de nouvelles reconstitué par les journaux de 1892 à 1894.pdf/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les yeux me recherchent, me détaillent, et, finalement me plaignent. J’en ai souffert depuis mon enfance. Et toute jeune fille, je pressentis ce martyre : l’impossibilité d’être aimée. Je voyais mes amies, un tas de femmes inspirer l’amour. Moi, la nature me défendait cette joie. Une partie de mon corps possédait le don mystérieux de la beauté. L’autre n’existait pas. Et cet amour que mes prunelles méritaient, que mon nez, mes dents, mes cheveux, ma peau méritaient, je voulais ardemment le provoquer.

Une étrange animation illuminait sa figure. Elle était belle, d’une beauté excessive.

— C’est ce besoin qui m’a fait agir, affirma-t-elle. Un jour mon père me conduisit à Paris pour consulter un docteur. Tandis que celui-ci rédigeait son ordonnance, je regardai par la fenêtre. Immédiatement, en face, un homme s’arrêta, puis un autre. Je frissonnai d’orgueil. Le