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appelés…

La concierge, une grosse à mine matoise, accourut. Je calmai Paul et, donnant à la femme une pièce d’or, je lui expliquai les habitudes de sa locataire. Elle fut indignée :

— C’est des mensonges… y a un tas de messieurs comme vous qui sont venus déjà me raconter ces bêtises… c’est pas vrai… mademoiselle est incapable… elle a bien le droit de regarder dehors… pourquoi qu’vous croyez qu’elle vous appelle ?…

Nous n’en pûmes rien tirer.

J’entraînai Paul. J’avais une idée. Nous entrâmes dans toutes les boutiques avoisinantes. Partout on nous fit la même réponse :

— Nous ne savons pas qui c’est. Elle vit là, depuis dix-huit mois, seule. La concierge lui sert de bonne. Jamais elle ne sort. Jamais elle ne reçoit de monde. Mais, toute la journée, elle demeure à sa fenêtre. Et tous les hommes qui passent, elle les dévisage, elle les arrête, elle les attire. La plupart se précipitent chez elle. Le dénouement ne varie pas. Toujours la porte est close.

Je dus, à cette époque, partir en voyage. Au retour, je trouvai les trois croisées béantes, l’appartement vide. La jeune femme avait déménage, emmenant la concierge avec elle.

C’est hier seulement, après douze années où bien souvent le souvenir de cette aventure me hanta, que ma curiosité fut satisfaite.