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timait utiles. Il l’aida de son autorité et de sa bourse.

Son âme, enfin, s’éveillait à l’amitié réconfortante. Il le chérissait d’une tendresse profonde, quoique un peu inquiète et jalouse. Mais Mauseny ne lui appartenait-il point depuis qu’il l’avait choisi comme son bourreau ? Il était fier de lui, de sa beauté, de sa force, de son élégance. Et il songeait avec une joie perverse que Mauseny ne pourrait jamais l’oublier, pas plus que l’assassin n’oublie sa victime. Le remords remplacerait l’amitié.

L’époque fatale approchait. L’élève maintenant lançait sa riposte avec tant de vitesse et de précision que Dalvène souvent arrivait trop tard à la parade. Le coup était devenu machinal, d’une régularité mécanique. Mauseny allongeait le bras comme un ressort, dans une direction immuable, et le fleuret touchait à un endroit fixe que le maître avait choisi après une longue consultation chez un chirurgien.

Tout était donc prêt. Le suicide s’opérerait inévitablement, selon la volonté de Dalvène. Il ne s’en affligeait point. Certes, la destinée semblait lui octroyer quelques faveurs. Mais la béatitude goûtée ne pouvait être que factice et passagère. Le réveil serait décevant. L’ami trompe son meilleur ami. On est la dupe de son enthousiasme et de sa confiance.