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UN SUICIDE



La destinée l’avait trahi. Il résolut de se tuer.

Ce ne fut pas le besoin subit de rejeter un fardeau trop pesant. Non. Dalvène comprenait que l’existence ne lui réservait rien. Le hasard l’avait maintes fois placé dans les conditions essentielles où l’homme trouve d’ordinaire le bonheur. Mais chez lui ces causes n’avaient point produit les mêmes effets que chez autrui. Sa nature lui interdisait toute félicité.

Il se résolvait donc à ne pas attendre l’heure fixée pour sa mort. Et comme on quitte un théâtre dont le spectacle vous désillusionne, il s’en irait de la vie.

Comment ? Cela l’embarrassa. Se détruire lui-même, de sa propre main, lui répugnait. S’empoisonner, s’asphyxier, se jeter à l’eau ou sous les roues d’une voiture, exigent un courage qu’il ne possédait pas. Il fallait découvrir autre chose.

Il patienta sans murmurer. La recherche d’un mode de suicide constitue, somme toute, une distraction. Il la savoura.

Une après-midi, à la salle d’armes, un jeune homme, M. de Mauseny, lui fut présenté. Ils firent assaut. Dalvène, tireur incomparable, reconnut en ce partenaire de réelles dispositions. Il lui