Page:Leblanc - Ceux qui souffrent, recueil de nouvelles reconstitué par les journaux de 1892 à 1894.pdf/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’interrogeait, comme un juge, sur l’emploi de son temps. Il la suivit et, ne découvrant rien, suspecta les gens qu’ils recevaient. Peut-être serrait-il la main de son rival ! N’était-ce point un de ses amis, son meilleur ? Avec tous il se fâcha. La maison fut vide. Ils ne virent plus personne.

Comme il l’avait dit, il gardait sa chambre particulière. Jamais il n’embrassait Louise. Jamais il ne lui adressait un mot affectueux. Ils restèrent des semaines sans causer. Mais sa douleur lui inspira le besoin de vengeances plus précises. Et il eut des maîtresses.

Il les eut ostensiblement, les payant même pour qu’elles lui écrivissent des lettres qu’il laissait ensuite traîner de droite et de gauche. Il passa des nuits dehors. Il s’affichait avec ces femmes, aux courses, au théâtre, et en avertissait Louise par des billets anonymes.

Elle était, elle, de santé peu solide. Cette vie de tortures acheva de la détraquer. Il s’en aperçut et continua.

Souvent elle tenta de se plaindre. Il ne répondait pas. Si elle insistait, il la regardait dans les yeux et articulait lentement :

— J’agis comme bon me semble… si ça ne vous plaît pas, la porte est ouverte.

Elle n’osa plus récriminer. La force lui en eût manqué d’ailleurs. Toute discussion l’abattait.