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masse imposante. Elle tendait l’étoffe du corsage, s’y appliquait hermétiquement comme s’applique à son écorce la pulpe d’un fruit. Au moindre geste, elle bougeait, agitée d’un petit remous qui s’apaisait ensuite ainsi que l’eau d’un étang troublé par une pierre. Cela néanmoins semblait ferme et de bonne tenue.

Elle n’en savait que faire, elle en était aussi honteuse qu’une fille coupable dont la faute ne peut plus se dissimuler. Toujours, qu’elle marchât ou quelle fût assise, s’étalait sous ses yeux cet avancement formidable. Dans la rue elle en apercevait le profil ridicule aux glaces qui la reflétaient. Le matin les nécessités de la toilette et de l’habillement forçaient ses mains à des besognes qui leur répugnaient.

Et cette anomalie allait en s’agravant. Elle se sentait la proie d’une maladie mystérieuse, d’un chancre dévorateur qui pompait toutes les gouttes de son sang, toutes les parcelles de sa chair, toute la vie de son corps et s’en emplissait sans jamais être assouvi.

C’était indécent, malpropre, elle le devinait. Malgré ses efforts la robe se creusait dans l’intervalle, et l’on distinguait nettement les deux proéminences, rondes, énormes, colossales, invraisemblables. Elles bombaient, pointaient, se jetaient au visage des gens, aveuglaient, barraient le passage, encombraient, éblouissaient. Elles étaient fières et superbes. En so-