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Mauresque.

C’est dans une de ces promenades que je fus amené jusqu’à la mosquée de Sidi-Abd-er-Rahman, cette réunion de petites coupoles gaies et gracieuses qui dominent le jardin Marengo.

Je la visitai. Tout au bout, sur une esplanade, d’où l’on découvre le golfe d’Alger, la mer, et à droite les montagnes neigeuses, quelques tombes dorment. Appuyé contre le rebord en pierre un Arabe gesticulait, la face tournée vers la Mecque. Près de lui une femme se tenait. Nos yeux se rencontrèrent. Les siens étaient tristes et douloureux. Elle ne les baissa point.

Embarrassé, j’examinai le Maure. Il avait fini de prier et bourrait une longue pipe de bois. C’était un homme vieux, au visage dur, aux traits immobiles, aux rides profondes. Il portait de riches habits en drap brodés d’or. Au bout d’un instant, il dit quelques mots à sa compagne, et ils s’en allèrent. Je les suivis.

Ils traversèrent tout le quartier arabe et gagnèrent à l’autre extrémité, l’une des rues les plus curieuses du vieil Alger, la rue de la Mer Rouge. C’est une série de voûtes basses et obscures, si basses que l’on ne peut les franchir sans se courber, si obscures que l’on ne sait où poser les pieds parmi les immondices qui encombrent le sol.

Je m’y engageai. Soudain ils prirent une sorte d’impasse aboutissant dans l’un de ces souterrains. Puis l’homme ouvrit une porte qui se referma sur eux. Je me cachai et j’attendis. Entre les hauts murs, réunis par d’innombrables