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ARMELLE ET CLAUDE

paralysaient leur élan l’un vers l’autre.

Mais surtout ils redoutaient de gâter leur amour. Ils le jugeaient d’une essence si précieuse et, peut-être par suite de sa rareté, d’une délicatesse si subtile, qu’ils n’y osaient toucher. Ils n’admettaient point que l’étreinte lui laissât son caractère de douceur et de simplicité et lui permît de se maintenir au même degré d’idéal. L’acte physique leur paraissait la ruine immédiate de leurs conquêtes. Se prendre, se posséder, s’appartenir, être l’un à l’autre, comme tous ces termes trahissent la nature et les conséquences d’un tel acte ! L’amant dépend de sa maîtresse et elle dépend de lui. C’est la marque du servage, l’invasion des droits et des privilèges. Pourquoi risquer de s’aimer moins bien, après avoir réalisé l’œuvre si difficile de bien s’aimer ?

Toutes ces raisons dont ils se refusaient à peser la valeur, mais qui s’offraient à eux sans trêve, constituaient une raison unique et formidable qui leur défendait même l’espérance. Leurs bouches ne se baiseraient