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ARMELLE ET CLAUDE

Ils attendirent que se dévoilât à eux et selon leur esprit le sens de la forêt.

— Comme c’est calme, prononça la jeune femme…

— Oui, et d’un calme qui rappelle celui de la vie… je me figure que nous sommes au milieu d’une grande foule stagnante et muette, la nuit ; chacun des fantômes noirs est isolé, et cependant je ne les sépare pas les uns des autres. C’est bien la même sensation de vie confuse et collective que me procurent ces arbres, et une foule d’êtres que je ne vois ni n’entends, et que je suppose inférieurs. Comme eux, les arbres sont des jets de vie très simple, des formes grossières qui ne conviennent qu’à des essais d’âme. Qui sait si ce ne sont pas les formes premières par où passa l’humanité !

Il ajouta en souriant :

— Mon instinct remonte au delà de toute origine animale, et l’ancêtre auquel je me rattache, c’est quelque chêne vert qui se reflète dans l’eau, parmi les campagnes, non loin de la mer.