Page:Leblanc - 813, 1910.djvu/494

Cette page a été validée par deux contributeurs.
484
“813”

n’as pensé qu’à toi là-dedans. C’est ton pouvoir, ta fortune que tu voulais. La petite, tu t’en moques. T’es-tu seulement demandé si elle l’aimait, ton sacripant de grand-duc ? T’es-tu seulement demandé si elle aimait quelqu’un ? Non, tu as poursuivi ton but, voilà tout, au risque de blesser Geneviève, et de la rendre malheureuse pour le reste de sa vie. Eh bien ! je ne veux pas. Ce qu’il lui faut, c’est une existence simple, honnête, et celle-là tu ne peux pas la lui donner. Alors, que viens-tu faire ?

Il parut ébranlé, mais tout de même, la voix basse, avec une grande tristesse, il murmura :

— Il est impossible que je ne la voie plus jamais. Il est impossible que je ne lui parle pas…

— Elle te croit mort.

— C’est cela que je ne veux pas ! Je veux qu’elle sache la vérité. C’est une torture de songer qu’elle pense à moi comme à quelqu’un qui n’est plus. Amène-la-moi, Victoire.

Il parlait d’une voix si douce, si désolée, qu’elle fut tout attendrie, et lui demanda :

— Écoute… avant tout, je veux savoir… Ça dépendra de ce que tu as à lui dire… Sois franc, mon petit… Qu’est-ce que tu lui veux, à Geneviève ?

Il prononça gravement :

— Je veux lui dire ceci : « Geneviève, j’avais promis à ta mère de te donner la fortune, la puissance, une vie de conte de fées. Et ce jour-là, mon but atteint, je t’aurais demandé une petite place, pas bien loin de toi. Heureuse et riche, tu aurais oublié, oui, j’en suis sûr, tu aurais oublié ce que je suis, ou plutôt ce que j’étais.