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Le chien ne le quittait pas de l’œil, happant d’un coup de gueule tout ce que Sernine lui tendait.

— Un verre de Chambertin, prince ?

— Volontiers, baron.

— Je vous le recommande, il vient des caves du roi Léopold.

— Un cadeau ?

— Oui, un cadeau que je me suis offert.

— Il est délicieux… Un bouquet !… Avec ce pâté de foie, c’est une trouvaille. Mes compliments, baron, votre chef est de premier ordre.

— Ce chef est une cuisinière, prince. Je l’ai enlevée à prix d’or à Levraud, le député socialiste. Tenez, goûtez-moi ce chaud-froid de glace au cacao, et j’attire votre attention sur les gâteaux secs qui l’accompagnent. Une invention de génie, ces gâteaux.

— Ils sont charmants de forme, en tout cas, dit Sernine, qui se servit. Si leur ramage répond à leur plumage… Tiens, Sirius, tu dois adorer cela. Locuste n’aurait pas mieux fait.

Vivement il avait pris un des gâteaux et l’avait offert au chien. Celui-ci l’avala d’un coup, resta deux ou trois secondes immobile, comme stupide, puis tournoya sur lui-même et tomba, foudroyé.

Sernine s’était jeté en arrière pour n’être pas pris en traître par un des domestiques, et, se mettant à rire :

— Dis donc, baron, quand tu veux empoisonner un de tes amis, tâche que ta voix reste calme et que tes mains ne frémissent pas… Sans quoi on se méfie… Mais je croyais que tu répugnais à l’assassinat ?