Page:Leblanc - 813, 1910.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
“813”

me débattis, je voulus crier… et il dut me fermer la bouche avec un foulard.

— Vous aviez quel âge ?

— Quatorze ans… il y a de cela quatre ans.

— Donc, vous avez pu distinguer cet homme ?

— Non, celui-là se cachait davantage, et il ne m’a pas dit un seul mot… Cependant j’ai toujours pensé que c’était le même car j’ai gardé le souvenir de la même sollicitude, des mêmes gestes attentifs, pleins de précaution.

— Et après ?

— Après, comme jadis, il y a de l’oubli, du sommeil… Cette fois, j’ai été malade, paraît-il, j’ai eu la fièvre… Et je me réveille dans une chambre gaie, claire. Une dame à cheveux blancs est penchée sur moi et me sourit. C’est grand’mère… et la chambre, c’est celle que j’occupe là-haut.

Elle avait repris sa figure heureuse, sa jolie expression lumineuse, et elle termina en souriant :

— Et voilà comme quoi Mme Ernemont m’a trouvée un soir au seuil de sa porte, endormie, paraît-il, comme quoi elle m’a recueillie, comme quoi elle est devenue ma grand’mère, et comme quoi, après quelques épreuves, la petite fille d’Aspremont goûte les joies d’une existence calme, et apprend le calcul et la grammaire à des petites filles rebelles ou paresseuses… mais qui l’aiment bien.

Elle s’exprimait gaiement, d’un ton à la fois réfléchi et allègre, et l’on sentait en elle l’équilibre d’une nature raisonnable.

Sernine l’écoutait avec une surprise croissante, et sans chercher à dissimuler son trouble.