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voisins qui la veillaient… et un matin on l’a emportée… Et le soir de ce jour, comme je dormais, il est venu quelqu’un qui m’a prise dans ses bras, qui m’a enveloppée de couvertures…

— Un homme ? dit le prince.

— Oui, un homme. Il me parlait tout bas, très doucement… sa voix me faisait du bien… et, en m’emmenant sur la route, puis en voiture dans la nuit, il me berçait et me racontait des histoires… de sa même voix… de sa même voix…

Elle s’était interrompue peu à peu, et elle le regardait de nouveau, plus profondément encore et avec un effort visible pour saisir l’impression fugitive qui l’effleurait par instants.

Il lui dit :

— Et après ? Où vous a-t-il conduite ?

— Là, mon souvenir est vague… C’est comme si j’avais dormi plusieurs jours… Je me retrouve seulement dans le bourg de Vendée où j’ai passé toute la seconde moitié de mon enfance, à Montégut, chez le père et la mère Izereau, de braves gens qui m’ont nourrie, qui m’ont élevée, et dont je n’oublierai jamais le dévouement et la tendresse.

— Et ils sont morts aussi, ceux-là ?

— Oui, dit-elle… une épidémie de fièvre typhoïde dans la région… mais je ne le sus que plus tard… Dès le début de leur maladie, j’avais été emportée comme la première fois, et dans les mêmes conditions, la nuit, par quelqu’un qui m’enveloppa également de couvertures… Seulement, j’étais plus grande, je