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souci de la vérité n’arrêtait jamais l’activité de son invention, il ne fut pas en peine de prouver sa thèse en accumulant de prétendus documents, de prétendus rituels, des fables absurdes, propres à alimenter la curiosité populaire. Il consacra un volume entier aux femmes dans la Franc-Maçonnerie, alors que la véritable Franc-Maçonnerie n’admet pas de femmes, et son imagination dévergondée se plut à décrire les scènes qui se passaient dans les loges « androgynes ». Par toute l’Europe, la presse catholique accueillit ces œuvres avec de grands éloges ; on dénonçait dans cette organisation maçonnique le développement logique de la Réforme, et le Père Grüber, de la Société de Jésus, auteur d’une traduction allemande, affirmait que la Franc-Maçonnerie ne faisait qu’achever la besogne commencée par Luther.

Le champ était trop vaste et trop fécond pour qu’un seul homme suffît à l’exploiter. Taxil attira à lui plusieurs écrivains de même espèce, notamment un certain Dr Hacks qui, sous le pseudonyme de Dr Bataille, publia une œuvre de près de deux mille pages, intitulée Le Diable au xixe siècle, où tous les Protestants étaient représentés comme de véritables Luciférains. Un autre affilié de la bande était un Italien nommé Domenico Margiotta. L’œuvre capitale de ce dernier est intitulée : Adriano Lemmi, chef suprême des Francs-Maçons. Une traduction allemande de ce livre parut à Paderborn ; les droits demandés par l’auteur se montèrent à cinquante mille francs. On peut juger du caractère de ces œuvres d’après le fait que, pour avoir reproduit dans le Moniteur de Rome, journal inspiré par le Vatican, le scandaleux récit des pratiques hideuses et bestiales en honneur dans les loges, Mgr Vöglein fut poursuivi et condamné à deux mille cinq cents francs d’amende. D’ailleurs, les associés riaient entre eux à gorges chaudes de la crédulité sans limites du public et s’amusaient à rivaliser d’extravagance dans leurs inventions. Ils comprenaient le Spiritisme parmi les pratiques de la Franc-Maçonnerie : si l’un d’eux rapportait qu’à une séance de tables tournantes la table s’était soudain dressée sur deux