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qui suis allé plusieurs fois et pendant plusieurs semaines le demander inutilement. Un de ses amis lui à écrit, vers le 20 novembre, une lettre qui doit se trouver dans le dossier de M. Bertulus et qui, en tout cas, se trouve certainement au dossier de l’enquête qui a été faite successivement par le général de Pellieux et par le commandant Ravary. Cette lettre était insignifiante, mais on y faisait allusion d’un mot à un personnage qui avait reçu dans le salon de Mlle de Comminges le surnom de Demi-Dieu. On disait dans cette lettre : « Le Demi-Dieu demande tous les jours à Mme la comtesse (c’est Mlle de Comminges) quand il pourra voir le Bon-Dieu. » Dans ce milieu très sympathique au colonel Picquart, on lui avait donné le surnom de Bon-Dieu, et on avait donné celui de Demi- Dieu à un certain capitaine de Lallement, qui était officier d’ordonnance du général Desgarets, commandant le 16e corps d’armée à Montpellier.

Cette lettre était destinée au colonel Picquart, mais elle ne lui parvint qu’après avoir été clandestinement ouverte et copiée au ministère de la guerre. Le mois suivant, arrivait au bureau des renseignements une lettre qui, cette fois, fut interceptée complètement et dont on ne donna aucune connaissance au colonel Picquart ; cette dernière lettre est sûrement l’œuvre d’un faussaire, elle est signée Speranza. Ainsi, dès ce moment, on cherchait à compromettre le lieutenant-colonel Picquart. L'existence de cette seconde lettre lui a été dissimulée pendant un an, et il en a eu connaissance pour la première fois au cours de l’enquête du général de Pellieux ; mais elle était la base sur laquelle on se réservait d’élever successivement toutes les machinations qui avaient pour but de perdre cet officier. Ne vous étonnez donc pas que, au mois de novembre dernier, lorsque cette affaire eut appelé au plus haut degré l’attention publique et l’intérêt du Parlement, de nouvelles machinations se soient fait jour. Dans la soirée du 10 novembre 1897, deux télégrammes à la fois partirent de Paris ; le premier était ainsi conçu : « Arrêtez Demi-Dieu, tout est découvert, affaire très grave. — Speranza. »

D’après ce télégramme, il semblait que le Demi-Dieu dût être un personnage important, probablement une personnalité politique, et peut-être M. Scheurer-Kestner.

Le second télégramme était ainsi conçu : « On a des preuves que le bleu a été fabriqué par Georges. — Blanche. »

Ce second télégramme, qui faisait évidemment partie de la même machination que le premier, tendait à ruiner toute l’authenticité et, par là même, toute la force probante d’un certain petit bleu qui était la base de l’enquête ouverte au printemps de 1896 par le colonel Picquart contre le commandant Esterhazy. C’est ainsi que l’on s’efforçait de représenter le colonel Picquart comme l’instrument d’un homme politique et comme l’auteur d’un faux.

Je dois ajouter que le colonel Picquart ne connaissait pas