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s’agissait d’une machination préparée de longue main : car, dès le mois de décembre 1896, de fausses lettres avaient été adressées au ministère de. la guerre, et elles étaient signées du même nom de Speranza qui se trouve au bas d’un des deux télégrammes du 10 novembre 1897.

Il y avait donc là, je le répète, une situation extrêmement grave, et il me sembla que mon premier devoir — de même qu’au début de cette affaire, j’avais voulu éclairer tout d’abord le gouvernement — était d’instruire le gouvernement de cette situation. Mais je n’avais pas auprès du gouvernement un accès facile et direct, et je demandai à M. Trarieux, sénateur, ancien Garde des sceaux, que j’avais rencontré à diverses reprises chez un ami commun et qui était, d’ailleurs, intervenu au Sénat dans la discussion de l’interpellation de M. Scheurer-Kestner, d’être mon intermédiaire et mon garant auprès du gouvernement.

M. Trarieux partagea mon sentiment, il pensa que mon devoir était de soumettre les faits au gouvernement et de lui laisser le temps de prendre, s’il le jugeait convenable, les mesures nécesaires. M. Trarieux vous mettra lui-même au courant de ses démarches. Quant à moi, je n’ai pu faire qu’une chose, lorsque j’ai connu la réponse reçue par M. Trarieux. c’était de déposer, au nom de mon client, une plainte entre les mains du Procureur de la République, plainte qui est instruite par M. Bertulus et sur laquelle a déjà été reçue notamment la déposition de Mlle Blanche de Comminges.

M. le Président. — Est-ce tout ce que vous savez ?

M. Leblois. — C’est tout ce que j’ai à dire sur la façon dont j’ai été saisi de cette affaire.

Me Labori. — J’aurais quelques questions encore à poser au témoin. Elles me sont suggérées par les explications que M. Leblois a bien voulu nous fournir.

M. Leblois parle de deux séries de faux documents qui auraient été adressés au lieutenant-colonel Picquart : d’abord, de fausses lettres et, ensuite, de faux télégrammes. Mais il indique un certain nombre d’éléments de fait qui lui font penser, comme au lieutenant-colonel Picquart, que ces documents devaient avoir pour point de départ les bureaux du ministère de la guerre. Je prierai M. Leblois, afin de permettre à MM. les jurés de bien comprendre les explications qu’il a données et d’en dégager la véritable portée, de vouloir bien nous dire, en substance, ce que contenaient ces faux documents, dans quel ordre ils se sont succédé, à quoi on reconnaît qu’ils sont faux et ce qui lui fait penser qu'ils émanent des bureaux du ministère de la guerre.

M. le Président. — Vous entendez les questions.

M. Leblois. — J’ai dit tout à l’heure que le lieutenant-colonel Picquart avait quitté brusquement le ministère de la Guerre le 16 novembre 1896, à la veille de l’interpellation Castelin à la Chambre des députés.

Ce départ fut ignoré de tous ses amis et en particulier de moi,