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droit et le domicile de fait ; eh bien ! je dis qu’en droit, Mme de Boulancy demeure peut-être boulevard des Batignolles, mais je dis qu’en fait elle n’y est pas. (Bruit.) Je crois qu’il n’y a rien de ridicule dans ces explications que je formule, et j’ai l’honneur de déposer devant la Cour des conclusions... rédigées depuis quarante-huit heures. Nous disions dans nos conclusions que Mme de Boulancy était atteinte d’une maladie de cœur, et voici que, suivant les termes de sa lettre, elle est souffrante d’une affection cardiaque.

Voici ces conclusions :

Plaise à la Cour,

Attendu que Mme de Boulancy, régulièrement citée devant la Cour d’assises, ne comparaît pas et fait parvenir un certificat de médecin attestant qu’en raison « d’une maladie de cœur » elle ne peut comparaître ;

Mais, attendu que ce témoin était cité pour établir la vérité des faits reprochés aux prévenus concernant le premier Conseil de guerre ;

Que Mme de Boulancy elle-même ou des tiers dûment autorisés, ont affirmé à diverses reprises que celle-ci possédait des lettres du commandant Esterhazy non moins outrageantes encore pour l’armée française que celles déjà connues et qu’elle les produirait à la Cour d’assises ;

Qu’il est en outre à la connaissance des concluants : que Mme de Boulancy a reçu trois dépêches du commandant Esterhazy lui redemandant les lettres dont il vient d’être parlé et la menaçant de mort si elle les produisait ; que, devant ces menaces, Mme de Boulancv a déménagé brusquement en cachant sa nouvelle adresse ; que sa maladie est feinte, qu’en effet, elle est sortie jeudi dernier, et que ce jour-là il a été décidé par elle qu’elle ne comparaîtrait pas, qu’elle ferait parvenir un certificat établissant qu’elle est atteinte dune maladie de cœur et qu’elle resterait couchée toute la journée de lundi ; qu’elle a en outre décidé, sous le coup des menaces qui lui ont été faites, de ne livrer à la Cour ni les lettres ni les dépêches sus-indiquées ;

Attendu que ce témoignage avait pour but d’élucider la question de faux reprochée au témoin au sujet de la lettre d’Esterhazy, fait dont s’est occupé le premier Conseil de guerre, et que les lettres et dépêches dont il vient d’être parlé sont de nature à jeter au débat un important élément d’appréciation ;

Pour ces motifs et tous autres à déduire :

Dire qu’un médecin se transportera chez Mme de Boulancy et dira si son état de santé lui permet de venir,

Ordonner que, par tel officier de police judiciaire qu’il plaira à la Cour, il sera procédé à la saisie :

1° Des lettres du commandant Esterhazy à Mme de Boulancy se trouvant soit chez ses témoins, soit chez des tiers ;

2° Des dépêches du commandant Esterhazy se trouvant en possession de Mme de Boulancy.