Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/71

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En présence de toutes ces obstructions, j’ai le droit, au nom de mon client, qui, j’en suis sûr, m’approuvera...

M. Zola. — Parfaitement.

Me Labori. — ... et j’ai le devoir de tout dire. Mme de Boulancy en possède d’autres, des lettres...

M. Zola. — Absolument.

Me Labori. — ... aussi authentiques et plus graves que les autres.

Elle est, depuis six semaines, abandonnée à toutes les intimidations. M. le commandant Esterhazy se rend chez elle quotidiennement, avec la protection de la police, puisque celle-ci ne l’en empêche pas ; et M. le commandant Esterhazy la menace de mort si elle les livre. Mme de Boulancy a entre les mains également des télégrammes de M. Esterhazy, postérieurs à tout cela, dans lesquels il la supplie de lui remettre les lettres, et cela, il y a plus d’un témoin qui le sait.

Il y a notamment pour le dire, ce M. Thys, dont on va nous annoncer tout à l’heure qu’il ne viendra pas, parce que, paraît-il, le Crédit Lyonnais le menace de révocation s’il vient, et lui promet de payer l’amende s’il ne vient pas.

Eh bien ! nous faisons MM. les jurés juges de cette situation.

Et nous leur demandons si c’est M. Zola, ou si c’est M. le Ministre de la guerre, par sa plainte et les restrictions de cette plainte, qui crée en France une situation, quoi qu’on en dise, véritablement révolutionnaire !

M. le Président. — Vous faites des réserves en ce qui concerne ce témoin ; vous avez l’intention de déposer des conclusions.

Me Labori. — Je déposerai des conclusions.

Me Clemenceau. — Permettez-moi également de faire toutes réserves en ce qui concerne la comparution de Mme de Boulancy. C’est depuis ce matin, tout au plus, que Mme de Boulancy est atteinte d’une maladie de cœur ; mais, depuis deux jours, nous savions qu’elle ne viendrait pas et que, dans la crainte que la Cour ordonne qu’un médecin expert se rende auprès d’elle, elle restera couchée aujourd’hui toute la journée.

Je dois ajouter que Mme de Boulancy a fait connaître à M. le Président qu’elle demeure rue de Berlin. Je supplie M. le Président de vouloir bien envoyer soit un médecin, soit un huissier rue de Berlin : on n’y trouvera pas Mme de Boulancy.

M. le Président. — Elle demeure boulevard des Batignolles, n° 22.

M. Zola. — Elle n’y est pas davantage.

Me Clemenceau. — Eh bien ! boulevard des Batignolles, 22, vous ne trouverez pas Mme de Boulancy.

M. le Président. — C’est le certificat du médecin qui l’indique.

Me Clemenceau. — Il est bien facile de s’en assurer.

M. le Président. — «Je soussigné, Bas, docteur en médecine, de la faculté de Paris, 9, rue de Berlin, certifie que Mme de Boulancy (Gabrielle), née Cartier, demeurant boulevard des Batignolles, 22...»

Me Clemenceau. — Il y a une différence entre le domicile de