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que M. le lieutenant-colonel Picquart. Ces dépêches étaient donc l’œuvre d’un faussaire. Il serait intéressant de rechercher quel est le faussaire ou quels sont les faussaires ? M. le lieutenant-colonel Picquart attribue l’une d’elles à l’agent Souffrain et nous avons fait citer celui-ci. Nous espérons qu’il viendra, et alors nous nous expliquerons.

Quant à l’autre télégramme, il est curieux de savoir comment a pu partir, de certain milieu qui devait toucher soit au Ministère de la guerre, soit à M. le commandant Esterhazy, une dépêche signée Blanche, que M. le lieutenant-colonel Picquart devait attribuer à Mlle Blanche de Gomminges.

Nous voudrions entendre M. le lieutenant-colonel du Paty de Clam sur ces faits et sur d’autres de beaucoup antérieurs auxquels il a été mêlé et qui concernent exclusivement et de près M. le commandant Esterhazy ; ils se sont passés en 1892, et nous aurions besoin aussi du témoignage de Mlle de Gomminges sur le même sujet.

M. le Président. — Il n’est pas question en ce moment-ci de Mlle de Comminges, il est question du lieutenant-colonel du Paty de Clam.

Me Labori. — C’est M. le colonel du Paty de Clam que ces faits concernent. Celui-ci a été amené à un moment donné, sur l’intervention d’un de ses chefs les plus éminents, le général D..., à restituer à la famille de Comminges une correspondance. Je ne puis rien préciser à ce sujet, la Cour comprend pourquoi, mais la Préfecture de police a été saisie de la question. Un jour, M. le lieutenant-colonel du Paty de Clam a dit qu'une lettre se rattachant à cette correspondance n’était pas entre ses mains et qu’il ne pouvait la remettre directement parce qu’elle était tombée aux mains d’une femme, mais qu’il n’était pas très difficile de la ravoir et qu’il fallait seulement verser en échange de la lettre un billet de 500 francs. Alors il paraît que, sur la demande de M. le lieutenant-colonel du Paty de Clam, rendez-vous fut pris, au Cours-la-Reine, à l’endroit où intervint la singulière femme voilée dont a parlé M. le commandant Esterhazy . C'est là qu’en présence de témoins M. le lieutenant-colonel du Paty de Clam entra en conversation avec une dame voilée, avec laquelle il resta longtemps et à qui il prétendit avoir remis un billet de 500 francs, que personne ne lui avait donné d’ailleurs. Puis il rapporta la lettre pour la transmettre à la famille de Comminges. Il y a là des faits sur lesquels je ne puis rien dire de plus qu’en présence des intéressés ; je ne puis fournir que des indications.

M. le Président. — Mais je ne vois pas la relation qui existe entre ce que vous venez de nous dire et l’affaire pour laquelle votre client est poursuivi.

Me Labori. — Vous allez voir !

M. Emile Zola n’hésite pas à penser que, loin que la dame voilée, qu’on n’a pas craint de présenter dans des rapports officiels comme étant peut-être en relations avec M. le colonel Picquart,