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avez dit que vous nous accusiez sans nous connaître, ne voyant en nous que des entités et des esprits de malfaisance. Laissez-nous vous dire à notre tour, et ce sera notre dernier mot, que jamais la pensée ne vous fût venue de nous inciter à commettre un délit et peut-être plus qu’un délit, si vous nous aviez connus, car nous sommes de ceux qui ont le ferme vouloir de n’être ni dupes, ni complices.

Me Félix Roussel, autre avocat des parties civiles. — Je m’associe aux observations de mon confrère.

Me Labori. — Il me paraît bien qu’en droit l’intervention des experts n’est pas recevable ; je me permets respectueusement d’en dire en deux mots les raisons.

En principe, il y a en matière criminelle ce qu’on appelle la partie civile. Les experts ne me paraissent pas recevables à se porter parties civiles dans le débat, — d’ailleurs, ils ne demandent pas à le faire — pour deux raisons : la première, c’est qu’il s’agit d’un débat parfaitement lié entre M. le Ministre de la guerre, M. le Procureur général et nous, et que, si les experts avaient entendu nous poursuivre, ils devaient le faire par voie d’exploit introduit à leur requête ; la seconde raison, c’est que les experts ont introduit devant le Tribunal correctionnel un procès tendant à ce que nous soyons condamnés pour diffamation commise à leur égard dans les passages qui les concernent.

Je ne crois pas, au surplus, qu’en fait et en équité les experts soient recevables ici, alors qu’un procès est lié entre eux et nous devant le Tribunal correctionnel. Ils demanderont au Tribunal correctionnel devant lequel, choisissant leur juridiction, ils sont allés, toutes les satisfactions auxquelles ils pourront avoir droit, et notamment la suppression des passages injurieux qui les concernent... Et je me permets de signaler la singulière contradiction qu’il y aurait, dans la situation de droit qui nous serait faite, si nous comparaissions devant le Tribunal correctionnel le 16 février pour nous expliquer sur un délit de diffamation renfermée dans des passages dont déjà la Cour aurait ordonné la suppression.

Cela dit, et ces observations présentées uniquement pour montrer ce que peut valoir l’attitude des experts en droit, j’ajouterai que leur présence ne nous gêne en rien et que, dans nos conclusions, que je demanderai à la Cour la permission de lui faire passer ultérieurement, nous entendons nous en rapporter à justice.

M. le Président. — L’intérêt de ces conclusions est celui-ci : c’est que si la Cour donne acte des réserves, évidemment les experts poursuivront M. Emile Zola devant la Cour d’assises pour outrage à des témoins en raison de leur déposition devant le Conseil de guerre.

Me Clemenceau. — Quelques conclusions qu'on prenne devant la Cour, quelles que soient les personnes qui les prennent, toutes les fois que ces conclusions auront pour but d'amener un débat public devant la Cour d’assises, nous nous y associerons.