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niveau de la ligne, et voici l’exemple spécial que je voulais citer : dans une des lettres du capitaine Dreyfus à sa femme, se trouve cette phrase que je vais citer de mémoire — je vous demande pardon si quelque détail n’est pas tout à fait conforme au texte — il écrit : « D’ailleurs, comme je te l’ai dit, j’ai légué à ceux qui m’ont fait condamner un devoir auquel il ne faibliront pas, j’en ai l’absolue certitude. » Dans cette phrase, il y a...

M. le Président. — C’est relatif à l’affaire Dreyfus, cela.

M. L. Havet. — Oh ! je ne parle pas de l’affaire Dreyfus.

M. le Président. — Ne parlons que de l’affaire Esterhazy.

Me Labori. — Voulez-vous me permettre, très respectueusement, d’intervenir et de faire une observation ? Il s’agit simplement ici d’une pièce de comparaison postérieure à la condamnation de Dreyfus et attribuée à Dreyfus.

M. le Président. — Cette pièce est postérieure à la condamnation ?

M. L. Havet. — Cette pièce a été envoyée des îles du Salut, si je me souviens bien, et cette lettre est certainement postérieure à la condamnation ; je suis sûr qu’elle l’est, sans pouvoir cependant en donner la date, car Dreyfus fait allusion, dans ce passage, à la lettre célèbre qu’il a écrite à M. le général Mercier, Ministre de la guerre : «Monsieur le Ministre, je n’ai pas de grâce à demander, puisque je suis un condamné ; mais j'ai toujours le droit de demander la justice ; moi parti, qu’on cherche encore... » Je me rappelle la phrase... C’est à cette lettre qu’il fait allusion ; il dit à Mme Dreyfus : « Je te l’ai dit, j'ai légué à ceux qui m’ont fait condamner un devoir auquel ils ne failliront pas, j'en ai l’absolue certitude. »

Il y a, dans cette phrase, deux phrases l’une dans l’autre ; il y a d’abord : « Je te l’ai déjà dit » ; puis, en second lieu : «J’ai légué à ceux qui m’ont fait condamner un devoir, etc... » Le capitaine Dreyfus avait commencé par mettre, au commencement de cette seconde phrase, un j minuscule, et ce j descendait au-dessous de la ligne ; puis il s’est ravisé, il s’est dit : « C’est le commencement d’une phrase nouvelle, ce n’est pas la suite de ce qui précède ; c’est la suite de la pensée que je lui avais déjà écrite antérieurement », et il a remplacé ce j minuscule par un J majuscule ; il a refait le J majuscule qui s’arrête au niveau de la ligne. Tout autre aurait utilisé la boucle du bas de ce j minuscule, au-dessous de la ligne. Pour ma part, si j’avais transformé un jminuscule en un J majuscule, j'aurais utilisé cette boucle. Dreyfus ne l’a pas fait ; c’est un trait tout à fait caractéristique, qui suffirait pour que l’on ne puisse pas lui attribuer la fameuse phrase : « Je vais partir en manœuvres. »

Il y aurait bien d’autres choses ; mais je suis convaincu que je ne pourrais pas apporter à MM. les jurés autre chose que la répétition des exemples qu’ils ont entendus ou qu’ils entendront, et je crois que je puis seulement leur dire, avec une con-