Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/54

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qui punit les délits de diffamation. Et c’est volontairement que je m’expose.

Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice.

Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on ose donc me traduire en Cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour !

Le placard est du 13 janvier. L’attente de M. Zola ne fut pas longue ; il fut à demi satisfait dès le 20 janvier par la citation qui a donné lieu au débat ; il le fut tout à fait, nous aimons du moins à le croire, par la deuxième citation délivrée le lendemain même, 21 janvier, à la requête des experts, lesquels ont visé dans leur exploit de citation un article 32, que vous avez omis d’indiquer dans votre manifeste du 13 janvier. Quoi qu’il en soit, dès ce jour, nos adversaires ont connu notre prétention — et elle n’est devenue la nôtre que parce qu’elle était, du reste, jusqu’à décision contraire, celle de la Cour suprême — de déférer à la juridiction correctionnelle, seule compétente dans l’état de la jurisprudence, les attaques et les diffamations dont nous avions été l’objet.

Entre vous et nous, la situation est donc bien nette : des juges sont saisis, une instance est engagée et pendante devant le Tribunal correctionnel depuis le 21 janvier. Il y a litispendance, c’est-à-dire que, depuis le 21 janvier, le tribunal de la Seine est saisi, en même temps que du fond de notre réclamation, du point de savoir si, comme l’affirme M. Zola, notre action relève de la Cour d’assises ou si, comme l’a décidé, dans des espèces semblables, la Cour de cassation, elle est justiciable du Tribunal correctionnel.

Quelle que soit à cet égard, je le dis ici bien haut, la finale décision de justice, elle nous trouvera respectueux et soumis, tout disposés, le cas échéant, à porter nos revendications devant le jury et devant la Cour d’assises, si la Cour suprême, se réformant elle-même, venait à en décider ainsi, n’ayant au fond et ne pouvant avoir, nous, auxiliaires de la justice, d’autre vœu et d’autre désir que celui de nous conformer au respect de la loi et de l’interprétation souveraine qui en a été et qui en sera faite.

Mais voici — et c’est ici qu’apparaît l’équivoque que notre intervention tend à dissiper — voici que, dès le 24 janvier, trois jours après l’instance par nous engagée, sous le couvert d’une connexité que nous ne sommes pas seuls à contester, dans un exploit par vous notifié à M. le Procureur général et versé au débat actuel, exploit qui constitue un écrit produit en justice dans le sens des articles 1036 du Gode de procédure civile et 41