Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/512

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son âge, prêté serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, et déclaré qu'elle n'était ni parente, ni alliée, ni serviteur de l'inculpé, que celui-ci n'était pas à son service, a fait sa déposition ainsi qu'il suit :

Veuve de Boulancy (Eugénie-Marie-Gabrielle Cartiet), cinquante-deux ans, sans profession, 54, avenue de Neuilly (Seine)

1° Demande. — Avez-vous, entre les mains ou déposées chez des tiers des lettres. du commandant Esterhazy ?

Réponse. — Oui, monsieur, ces lettres sont en lieu sûr, je les réserve pour ma défense, le cas échéant.

2° Demande. — Avez-vous reçu récemment deux télégrammes du commandant Estherazy ?

Réponse. — Oui, Monsieur, ces télégrammes sont, comme les lettre en lieu sûr.

3° Demande. — Ces télégrammes ne condiendraient-ils pas, sous forme de menace, la demande de restitution des lettres qui sont, ou ont été récemment entre les mains de l'un de vos conseils ?

Réponse. — Ces télégrammes ne contiennent aucune menace ; ils sont rédigés dans la forme la plus polie et aussi la plus pressante dans le but d'obtenir de moi la restitution des lettres qu'Esterhazy m'a écrites de 1881 à 1884, et que j'ai mises en lieu sûr.

4° Demande. — Ces lettres contiennent-elles des invectives ou des outrages à l'armée ou à la France ?

Réponse. — Ces lettres sont peut-être aussi compromettantes que celles dite du uhlan. Elle contiennent à l'encontre de l'armée et de la France des propos d’une certaine gravité.

5° Demande. — Consentez-vous à les faire remettre à M. le Président des assises par les tiers qui les détiennent ?

Réponse. — Non, j'ai déjà été accusée de faux en ce qui touche la lettre dite du uhlan, je tiens à rester armée pour bien prouver que je ne suis pas une faussaire.

6° Demande. — Le commandant Esterhazy n’est-il pas venu chez vous madame, boulevard des Batignolles et ne vous a-t-il pas fait par la porte entre-baillée une carte de visite avec quelques lignes écrites au crayon ?"

Réponse. — Le commandant Esterhazy ne m'a jamais fait passer sa carte de visite avec quelques lignes écrites au crayon. Il s'est présenté quatre ou cinq fois à mon domicile. Je n'ai jamais consenti à le faire rentrer dans mon appartement.

Trois ou quatre fois, voyant qu'il ne voulait pas quitter le palier, ou tout au moins qu'il insistait par trop auprès de ma domestique, je me suis dérangée, je suis venue à la porte entre-baillée et maintenue par la chaine de sûreté, pour le prier de se retirer, lui faisant remarquer qu'il se compromettait.

Chaque fois, c'était pour me demander de lui rendre les lettres et aussi les petits bleus ou cartes-télégrames dont je viens de vous parler plus haut ! Je lui ai toujours répondu que je lui promettais de ne pas les publier, mais que j'étais obligée de la garder pour ma défense. Je lui ai affirmé que si la lettre du uhlan et les trois ou quatre autres ont été publiées par les journaux, ce n'a été que contre ma volonté et grâce à ma trop grande confiance dans la parole d'une personne que je croyais être ami dévoué.

Le commandant Esterhazy répondant à mon refus, ne m'a jamais dit qu'il se tuerait.

7° La réponse de Mme  de boulancy à la question n°6 rendant la