Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/504

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dans un autre ; on s’y entête parce qu’une fois on s’y est arrêté : ce n’est pas l’esprit scientifique.

J’étudie ces questions d’écriture absolument comme j’étudierais une page d’un texte difficile, me souciant très peu au fond de savoir si cette page que j’ai tenu à comprendre soutient une doctrine ou une autre, mais voulant par-dessus tout savoir ce que cette page veut dire.

Et je dois dire, puisque j’ai parlé de l’écriture du bordereau que véritablement j’ai été affligé et attristé lorsque j’ai lu la déposition d’un expert, qui a été reproduite par la sténographie et qui ne m’a pas étonné ; car j’avais causé auparavant avec cet expert, qui est un homme bien remarquable à certains égards et qui a fait, qui a créé une chose vraiment magnifique :l’anthropométrie.

Eh bien ! cette conversation m’avait d’abord intéressé : on trouve toujours à apprendre ; — ensuite, par moments, elle m’a amusé ; enfin j’en suis sorti navré, Messieurs, navré ! en pensant qu’il était possible de confier une expertise si grave si pleine de responsabilité, d’une responsabilité effrayante, à un homme dont les procédés d’investigation échappent à toute contradiction, à toute critique, parce que ces procédés sont en dehors de toute méthode et de tout bon sens.

M. le Président. — Avez-vous une autre question, maître Labori ?

Me Labori. — Monsieur le Président, est-ce que M. Paul Meyer nous a fait connaître ses conclusions d’une manière complète en ce qui concerne M. le commandant Esterhazy ?

M. Paul Meyer. — J’ai dit que le fac-similé du bordereau reproduisait absolument son écriture, que je ne voyais pas de raison pour faire une distinction entre l'écriture et la main. Cependant, je fais cette réserve prudente et parfaitement scientifique, parce que je ne sais pas ce qu’il y a dans le rapport où on explique que cette écriture n a pas été tracée par le commandant Esterhazy. Je ne crois pas que, même avec une hypothèse compliquée, on puisse arriver à le démontrer ; mais, enfin ! je ne puis pas discuter ce que je ne connais pas : je ne parle jamais que des choses que je sais.

Me Labori. — Eh bien ! monsieur le Président, il serait peut-être utile d’entendre ici M. Couard, M. Belhomme et M. Varinard ?

M. P. Meyer. — Ils ne diront rien.

M. le Président. — Ils ont déclaré : « Nous avons statué dans un rapport ; nous sommes liés par le secret professionnel. »

Me Labori. — Mais, monsieur le Président, je vous en prie...

M. le Président. — Non, non ! Ils ont eu raison.

Me Labori. — Nous avons une question à poser à M. Paul Meyer. M. Couard a déclaré hier qu’à l’Ecole des Chartes on ne connaissait rien en fait d’écritures...

M. P. Meyer. — Mon Dieu ! la question...