Page:Le proces Zola devant la cour d assises de la Seine et la cour de cassation, Paris Bureaux du Siècle etc , 1898, Tome 1.djvu/483

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Me Clémenceau. — Dans la pratique, nous avons eu cinq experts qui ont eu à cette audience cinq théories différentes.

Me Labori. — Moi, voici ce que je constate : un expert qui poursuit en police correctionnelle, parce qu’on ne peut rien y dire sur son compte ; qui essaie de venir ici comme partie civile, parce qu'il ne veut pas y comparaître comme témoin ; et quand on le pousse pour discuter avec lui, il se retranche derrière un secret professionnel qui n’existe pas.

M. le Président. — Si vous désirez poser des conclusions, posez des conclusions.

Me Labori. — Eh bien ! mais je trouve que cela en vaut la peine.

Le témoin a dit à très haute voix, et M. le Président a dit après lui, que c’était très net, qu’on ne pouvait rien dire quand on n’avait pas sous les yeux un original ; je pense donc que M. le Président m’approuvera également si je fais remarquer que si nous n’avons pas l’original, ce n’est pas notre faute…

M. le Président. — Si c’est pour nous dire cela que vous prenez la parole, nous le savons tous.

Me Clémenceau. — Moi, je tiens à ce que MM. les jurés se rappellent que nous faisons notre possible pour faire apporter l’original.

M. le Président. — Eh bien ! permettez-moi de vous faire une réponse à laquelle il n’y a rien à répondre. Nous ne sommes pas en matière de droit commun, nous sommes régis par la loi de 1881. Eh bien ! d’après cette loi, lorsque quelqu’un écrit un article diffamatoire, il doit avoir la preuve, à ce moment-là, que ce qu’il dit est vrai et il doit, lorsqu’il est poursuivi, signifier, dans les cinq jours de la citation, et ses témoins et les papiers dont il entend se servir. Voilà ce qu’a dit la loi de 1881. C’est une matière spéciale, ce n’est pas le droit commun. Vous devez signifier toutes vos pièces, vous devez indiquer au Ministère public tous les témoins que vous devez faire entendre et toutes les pièces dont vous entendez vous servir ; si vous ne l’avez pas fait, c’est votre faute.

Me Clémenceau. — Ce que vous venez de dire est le droit, mais il faut parfois allier le fait au droit. Eh bien ! en fait, nous étions dans l’obligation, de par la loi, de signifier un bordereau qui était entre les mains de nos adversaires, entre les mains du demandeur, M. le général Billot, Ministre de la guerre…

M. le Président. — Qui n’était pas tenu de vous le donner.

M. le Président. — Mais cela n’a pas de rapport...

Me Labori. — Je vous demande bien pardon, mais je voudrais vous demander la permission de dire d’abord un mot du droit. Nous ne sommes pas tenus de notifier des originaux, nous sommes tenus de notifier des copies ; or, le bordereau a été notifié à M. le Procureur général en copie, en photographie et en fac-similé. Par conséquent, nous sommes absolument dans les termes de l’article 52 de la loi de 1881 . Seulement, il se proi-