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dans ces circonstances, jamais de ma vie je ne condamnerais sur une expertise en écritures, s’il n’y avait pas de faits moraux qui pussent arriver à me donner une preuve.

M. le Président. — C’est une opinion toute naturelle, mais cela ne change rien à la situation.

Me  Labori. — Vous ajoutez votre impression, monsieur le Président, à celle de M. l’expert, et je l’invoquerai en plaidant.

DÉPOSITION DE M. PELLETIER
Expert en Ecritures

(Au moment où M. le Président lui demande de prêter serment, M. Pelletier déclare :

Je le ferai sous réserve du secret professionnel, parce que j’ai été commis en 1894 dans une affaire qui a été jugée à huis clos.

Me  Labori. — M. Pelletier est un des experts qui, en effet. en 1894, ont déclaré que le bordereau n’était pas de Dreyfus, Je voudrais bien qu’il nous dise ce qu’il pense de l'écriture, s’il l’a comparée avec l’écriture du commandant Esterhazy, s’il persiste dans son opinion de 1894...

M. Pelletier. — Je ne connais pas du tout l’écriture d’Esterhazy ; je ne puis donc que maintenir mes conclusions à l’égard du numéro 1. Je n’ai su que plus tard, comme le public, qu'il s’agissait d’un nommé Dreyfus. Je maintiens donc mes conclusions.

Me  Labori. — Est-ce que M. l’expert pourrait nous dire si le bordereau était d’une écriture courante ?

M. Pelletier. — J’ai déclaré que le bordereau avait toutes les apparences d’une écriture courante. Mais, j'ai là mon rapport, et si vous voulez me permettre…

M. le Président. — Non, non, c’est inutile.

Me  Labori. — Mais, monsieur le Président, je ne serais pas fâché d’entendre le rapport de l’honorable expert, j’insiste même pour la lecture au moins du résumé de ce rapport.

M. le Président, au témoin. — Non, ne le lisez pas, mais-vous pouvez le résumer.

M. Pelletier. — J’ai été chargé d’examiner la pièce d’écriture qu’on a depuis appelée le bordereau ; j’étais chargé de comparer ce bordereau avec l’écriture de deux personnes soupçonnées, la première personne étant désignée sous le n° 1.

Nous avions à notre disposition une vingtaine de corps d’écritures ; ces corps d’écritures avaient été exécutés de différentes façons. Ils avaient été tracés debout, assis, main nue et main gantée. Ces corps d’écritures étaient suffisants pour donner une idée suffisante des aptitudes graphiques de leur auteur. La comparaison avec le fameux bordereau m’a certainement donné des analogies, analogies banales que l’on rencontre fré-